" Comme une mère, une ville natale ne se remplace pas." Albert Memmi.
http://lecaennaisdechaine.over-blog.com/ Archives Nationales des USA
Ce que la piété des pilotes de la RAF en 1944 avait su épargner, les pelleteuses du groupe EIFFAGE l'ont aujourd'hui écrasé !
Le promenoir en bois du Bon Sauveur qui encadrait un jardin de 3 000 mètres carrés a été détruit Lundi 6 juillet à l'heure du laitier en moins de 4 heures au moyen de deux pelles mécaniques de la société LECLERC.
UN VRAI MASSACRE !
Les colonnes en bois écrasées, les éléments architecturaux et vitraux en miettes. Saluons la mauvaise conscience d'un chef d'équipe qui n'a pas souhaité écraser le Bon Dieu sous les chenilles du PANZER, puisque l'oratoire et son calvaire ont été sauvagement abattus : seuls le crucifix et une statue de la Vierge ont été démontés. (Pour aller où ? NDLR)
Le groupe immobilier a pris la responsabilité de détruire non pas un chef d'oeuvre absolu de l'art architectural mais de détruire un lieu historique qui perd désormais sa cohérence sinon son âme...
C'était un là un lieu courageux en juin-juillet 1944 lors de la Bataille de Caen : c'est désormais le lieu de notre honte, de notre hypocrisie et de notre colère.
Les bâtiments du Bon Sauveur qui avaient accueilli plusieurs milliers de réfugiés et blessés caennais lors des bombardements de juin 1944 ont été épargnés grâce à la présence - au centre du promenoir et du jardin qui sont actuellement saccagés - d'une grande croix de sang humain peinte sur les draps blancs de l'hôpital.
En juin dernier, nous avions tous été saisis par l'émotion du témoignage du l'ambulancier du Bon Sauveur, un vieux monsieur de 90 ans aujourd'hui, qui a pris l'initiative décisive de mettre cette croix qui fit du lieu massacré aujourd'hui, un lieu courageux qui a permis de sauver d'autres lieux.
S'il n'y avait pas eu ces grandes croix rouges signalant les îlots sanitaires de l'Abbaye aux Hommes et du Bon Sauveur aux aviateurs alliés, Caen aurait été rasé comme Saint-Lô à 90%!
Cette réalité historique essentielle a été ignorée et d'aucuns auraient souhaité la nier : un monument historique, au sens premier de l'expression, est aujourd'hui détruit et sera remplacé par une petite stèle qui sera vissée au bas du plus grand monument d'hypocrisie qui sera élevé à Caen.
Ce bombardement barbare se produit à moins de 50 mètres des fenêtres du bureau du directeur des affaires culturelles qui aura bientôt à réfléchir à un classement UNESCO de barbelés, de ferrailles et béton de blockhaus qui hantent encore les plages du Débarquement : la faible valeur esthétique de ces éléments ne semble pas faire obstacle à ce classement...
Le dernier cloître en bois de Caen, méconnu par les élus caennais toute tendance confondue, et méprisé par certains responsables en charge de la conservation du patrimoine historique, n'est plus !
A la place, la banalité et la médiocrité d'une "architecture" de promotion immobilière qui optimise l'espace ainsi dégagé : le compromis intelligent d'une réhabilitation des bâtiments existants autour d'un espace public de qualité, mémorial du courage de juin 1944 n'a pas été défendu ni porté par des élus intelligents et volontaires :
La politique d'urbanisme de Caen, ville rasée à plus de 70% en 1944, est, de fait sous-traitée aux promoteurs immobiliers qui n'ont aucun état d'âme...
Sur la friche immense du Bon Sauveur, aucune vision urbaine d'ensemble face à la vente progressive des lieux à des marchands de mètres carrés : Monsieur LECOUTOUR, l'adjoint à l'urbanisme dit qu'il faut "produire" 700 logements par an à Caen (jusqu'à 1 400 et plus ! NDLR) pour garder les 100 000 habitants... Et la solution de compromis proposé par le promoteur n'était qu'une compromission de plus : une moitié du promenoir à peine sauvegardé alors que le jardin va être amputé de moitié, et transformé en un banal espace vert sur dalle de béton avec curetage complet du site pour creuser un parking souterrain : la destruction du site sera donc totale, en élévation et en sous-sol ! Comme en 1944, avec des bombes qui faisaient tomber les murs les plus vénérables et transformaient les jardins et les places en cratères lunaires...
"Produire" et non pas construire de nouveaux espaces publics et préserver le patrimoine ou la mémoire historique très vivre et sensible d'une ville qui a failli totalement disparaître il y a moins de 70 ans : l'urbanisme à Caen, tant à cause du peu qui reste d'avant 1944 que de la spécificité de la Reconstruction des années 1950, n'est pas chose anodine ! Moins qu'ailleurs,
UNE VILLE NE DOIT PAS ETRE
LE TERRAIN DE JEU DES PROMOTEURS !
On fabrique aujourd'hui la ville à l'image de la médiocrité morale de certaines de nos élites : rien ne semble tenir face à l'impérieuse nécessité économique de faire du profit maximum !
Enfin, la chapelle 1950 et la façade XIXe siècle classés Monument Historique en 2006 perdent toute signification avec la destruction du jardin-promenoir qui mettait cette façade en valeur : la cour d'honneur va devenir une dalle engazonnée de parking souterrain, une vulgaire cours d'immeubles claquemurée et ouverte au Nord Est, c'est à dire au mauvais temps... la vue d'artiste proposée par le promoteur le précise : elle est "non contractuelle"
Quant à penser transformer la chapelle en lieu culturel majeur au profit du centre chorégraphique : inutile d'y penser puisqu'il faudra pénétrer une co-propriété pour aller au spectacle non pas par la belle porte néo-gothique de la cour d'honneur, mais par une petite porte dérobée qui serait située à l'arrière puisque tous les éléments d'importance auront été soit détruits ou privatisés.
LECOUTOUR nous promet le maintien d'un espace public : cette promesse ne vaut rien puisque Monsieur LECOUTOUR n'est pas en charge de l'urbanisme à Caen.
Ce sont les citoyens mobilisés bien tardivement il est vrai qui doivent faire et défendre une politique de l'urbanisme devant les tribunaux.
Rappelons en effet, que Caen n'a pas le label "ville d'art et d'histoire" et ne dispose d'aucun secteur urbain sauvegardé (ZPPUP) : certainement parce que les services techniques de la ville auraient à travailler davantage et à prendre en charge certaines responsabilités.
Comme d'habitude, il faudra attendre que tous les coeurs d'îlots du Caen d'avant guerre soit curetés par les promoteurs ou que la Reconstruction soit défigurée (ex: destruction de l'escalier de la chambre de commerce) pour qu'enfin les élus mettent en place la politique de protection et de valorisation...
C'est vrai c'est plus facile de protéger et de valoriser quelque chose qui n'existe plus : ça coûte moins cher... Ou alors, on fait des « Mémorial », des « Historial » et « Scriptorial », ou autres musées avec de la belle architecture contemporaine pour éclairer des cartes postales et quelques pieux vestiges mis en vitrines à destination du grand public et du public scolaire (ce qui revient à la même chose) : on va donc consommer la mémoire historique muséifiée comme on va au supermarché, on va en périphérie, on gare sa bagnole et on entre dans une grande boîte aveugle. Le MEMORIAL de CAEN c'est avant la ville elle-même avec son architecture, son urbanisme et la mémoire portée par ses habitants.
Le 12 juillet prochain, il y aura une audience très importante au Tribunal administratif de Caen qui peut se déclarer compétent sur le dossier quant au fond malgré le litige sur les délais de recours (les riverains auraient du camper tout l'été 2009 sous les hauts murs de la petite rue St Ouen pour savoir que le Bon Sauveur allait être presqu'entièrement détruit).
Le promoteur a pris le risque et la responsabilité d'une voie de fait qui peut offusquer le tribunal administratif sachant que les fondements juridiques du permis de démolir au regard de la loi de 1913 réglementant les abords immédiats d'un édifice classé et au regard de la jurisprudence existante, sont très faibles.
Aussi le promoteur a été tenté par le fait accompli, le coup de force en détruisant l'objet même du litige : mais il se peut très bien que le litige enfin porté devant la bonne juridiction ne détruise le permis de démolir...
Et la belle affaire profitable, déguisée en opération de charité (Lecoutour insiste sur les 80 logements sociaux intégrés au projet) pourrait être elle-même abattue : comme dans beaucoup d'autres endroits en France, on aura une friche avec en plus des ruines...
Les bombardements de Caen doivent-ils se poursuivre ?
Philippe CLERIS, Collectif Citoyen et Républicain "Bienvenue en Normandie"
En complément, nous vous conseillons vivement ce lien pour découvrir les "joies urbanistiques" de Caen : http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/ NDLR