(Photo : Luc de Normandie, entrain de faire la sieste les yeux ouverts)
Alors à bout d’arguments, il ne leur reste que celui de la capitale : « en cas de réunification normande, on la met où la capitale ? » Le Vern croit nous clouer définitivement le bec d’un « ce n’est pas sérieux » quand il s’emporte contre ceux qui veulent la réunification normande avec Caen pour capitale ou avec Rouen pour capitale : d’un ton presque paternaliste, il tance ses amis politiques Duron et Fourneyron accusés de nous rejouer l’ineffable et l’inénarrable « interville » normand...
Soyons, en effet sérieux ! car la mauvaise foi de Le Vern mais aussi le manque d’imagination de Duron et Fourneyron mettent notre intelligence sinon notre bonne volonté de réunificateurs normands à rude épreuve...
Nous savons tous (et nos ennemis aussi) que la seule véritable difficulté d’une fusion régionale normande est la question de la capitale régionale : le rapport EDATER a objectivement détaillé les bonnes et les mauvaises solutions.
Les mauvaises solutions sont celles de l’égoïsme (tout mettre dans une seule ville), les bonnes solutions sont celles de la coopération (distribuer les fonctions au mieux entre Caen, Rouen et Le Havre).
C’est pourquoi, le moment est venu peut-être d’exposer et de soumettre à votre réflexion pour en enrichir la portée un argument qui, à ma connaissance, n’a jamais été jusque là clairement versé au débat sur la question régionale normande...
LA NORMANDIE A REUNIFIER DOIT ETRE CONSIDEREE COMME UN BIEN PUBLIC QU’IL FAUT DEFENDRE ET PRESERVER...
Qu’est-ce qu’un « bien public » ?
Cette notion nous vient des réflexions des écologistes qui défendent le principe de « biens publics naturels » mis gratuitement à la disposition des sociétés humaines pour la croissance de leurs activités et de leur population : il s’agit de l’eau, de l’air, de la terre que l’on cultive pour se nourrir, des forêts réserves de biodiversité, de toutes les autres espèces vivantes qui cohabitent tant bien que mal avec l’espèce humaine... Il s’agit aussi des ressources naturelles exploitées pour le système économique de l’humanité : pétrole, minéraux, matériaux...
C’est aussi une notion utilisée par les économistes et les historiens quand ils ont a évoquer la différence entre état régalien et état providence qui à la différence du premier prend en charge le bien être de sa population en lui mettant à disposition par le biais de la solidarité nationale une série de biens ou services publics (Sécurité sociale, Retraite, Santé publique, transports en commun, etc.)
Mais si les écologistes parlent de « biens publics mondiaux » et si l’on parle aussi d’écologie ou si l’on invoque faute de mieux, le « développement durable » c’est que ces « biens publics » qui appartiennent à tous et à personne font l’objet d’une intense exploitation, de tentatives de plus en plus forte de privatisation et de marchandisation pour le profit des régions les plus riches et les plus puissantes du monde, qu’ils font l’objet de dégradation et de pollution.
De même, parce qu’une idéologie libérale nous a fait croire qu’un état régalien réduit au strict minimum serait plus efficace qu’un état providence intervenant largement dans la société et l’économie, on a beaucoup privatisé récemment un certain nombre de services et biens publics avec des résultats pour le moins contrastés : la crise économique qui sanctionne durement cette idéologie nous fait regretter l’absence de ces services et biens publics, aujourd’hui privatisés, faisant l’objet de services payants et sélectifs organisés par des compagnies privées soumises au jeu de la spéculation financière mondialisée...
La Normandie : une « Res Publica »
Compte tenu de ce qui vient d’être dit, considérons donc la NORMANDIE comme un Bien public voire comme un service public visant à améliorer la vie sociale, culturelle et économique des habitants de la Normandie, un bien public gratuitement légué à nos générations par près de 1100 d’histoire dont le patrimoine historique, culturel, mémoriel mais aussi agricole, gastronomique, maritime et industriel permet encore aujourd’hui le maintien et l’épanouissement de savoir-faire, le maintien et le développement d’une renommée internationale...
La Normandie c’est aussi un bien public en terme de paysages, de villes et villages, en terme d’usines, laboratoires et université... Le cheval est un bien public en Normandie... comme l’art du flaconnage de luxe... La mer et ses ports : bien public et services publics. La Seine, le ciel et les paysages normands, des biens publics offerts aux peintres et qui font que les musées sont les biens publics que nous apprécions le plus... Et il y a aussi les Biens publics normands de l’avenir : les nouvelles énergies, les nouvelles activités maritimes, les nouveaux matériaux ...
La Normandie est donc un bien public mise au service du public qui habite, travaille ou parcoure la Normandie : les révolutionnaires de 1789 ne disaient pas autrement lorsqu’il s’agissait, malgré les excès des sans culottes, de protéger pour l’instruction des générations futures, les trésors d’architecture datant de l’époque ducale...
Comme tous les biens publics, la Normandie est soumise à exploitation, pollution, privatisation, destruction... Nous considérons, à juste titre, comme révoltant de voir des pollutions dans la Seine, de voir des bocages sauvagement remembrés, des usines Sévéso ne respectant pas les normes, constater que la COGEMA prend en charge la collecte du lait dans la Hague...
Tenez ! Justement voilà une part, et l’une des plus belles, du bien public normand polluée à tout jamais tant symboliquement que concrètement par la radioactivité...
Ce bien public normand est mal mené par 38 ans de division : il n’est qu’imparfaitement mis à la disposition des habitants de la Normandie. Pour des raisons d’intérêt national (ou parisien) le bien public normand a été mis au service de l’intérêt de Paris (la Basse Seine normande considérée comme vase d’expansion industriel de la région parisienne en application du principe « NIMBY ») ou au service des régions voisines (la Bretagne qui a su refuser en temps voulu les méfaits du nucléaire)...
Considérons donc que ceux qui s’opposent à la réunification de la Normandie sont pour la privatisation, l’exploitation sinon l’aliénation définitive du bien public normand au profit de la région parisienne ou au profit des régions voisines...
C’est en URSS que des technocrates irresponsables ont pris le parti de laisser crever une mer entière pour permettre l’irrigation de champs de coton en plein désert : le bien public normand doit-il subir le même sort que la Mer d’Aral ?
MM Legrand et Le Vern se piquent comme tant d’autres d’écologie et de développement durable (Agenda 21, loi sur les OGM...) mais la défense du bien public normand comme de tous nos biens publics légués par la géo-histoire en France (n’oublions pas aussi la France, elle-même, en tant que bien culturel mis à la disposition du public) n’est pas encore à l’ordre du jour de nos deux fossoyeurs de Normandie qui voudraient s’en débarrasser après l’avoir tant pillée sinon polluée pour le petit profit de carrières politiques personnelles...
Conclusion : la fraternité normande.
Face à la bêtise, face à l'égoïsme, face à l'ignorance, la mauvaise foi, mais face à l'injustice, à la misère sociale, à la mort de l'avenir, le mépris... Il nous faut de la FRATERNITE!
Régis DEBRAY nous propose un nouveau livre consolant et réjouissant: "le moment Fraternité" (Gallimard)
La Fraternité, troisième marche du perron républicain comme disait Victor Hugo est aujourd'hui négligée, ringardisée à la fois par la compétition des « égos », de l'individualisme et par le déploiement sans pareil de l'immense machine à broyer de la fraternité qu'est devenu le capitalisme...
La Fraternité c'est être frères et soeurs... DE COMBAT.
C'est demander la JUSTICE aux pouvoirs qui NOUS la refuse...
C'est faire une COMMUNAUTE mais pas une communauté de frères de sang (en général, l'exclusivisme basé sur la transfusion sanguine, ça se termine dans le sang...)
C'est faire une FAMILLE AVEC CEUX QUI NE SONT PAS DE LA FAMILLE: par exemple, combattre ensemble pour VIVRE ENSEMBLE au delà de nos différences sociales, culturelles, idéologiques, politiques ou religieuses car nous avons en commun la CONSCIENCE d'UN IDEAL COMMUN ou d'une URGENCE COMMUNE, un COMBAT POLITIQUE A MENER...
La FRATERNITE REPUBLICAINE FRANCAISE est née de ces combats pour la LIBERTE politique et pour l'EGALITE REELLE SOCIALE ET ECONOMIQUE...
Dans la GRANDE FRATERNITE FRANCAISE, il y a PLACE à une PETITE FRATERNITE NORMANDE QUI RECLAME JUSTICE:
A l'instar de la fraternité au combat des Guadeloupéens et des Martiniquais qui voudraient faire partie de la FRATERNITE NATIONALE FRANCAISE, je fais partie d'une fraternité NORMANDE en combat pour qu'en NORMANDIE les IDEAUX REPUBLICAINS FRANCAIS soient MIEUX APPLIQUES dans la REALITE du terrain sinon des territoires...
Car là est le problème que doit RESOUDRE TOUTE REPUBLIQUE A VOCATION UNIVERSELLE, le choix qui fait l'honneur de la France, malgré tout...
C'est de RENDRE EFFECTIVEMENT et CONCRETEMENT REALISABLE pour les VRAIS HABITANTS ET LEURS TERRITOIRES les PRINCIPES UNIVERSELS DE LA REPUBLIQUE: c'est de passer enfin du formel au réel...
Le combat pour la reconnaissance d'une réalité territoriale normande dans les pratiques sociales, économiques ou culturelles des habitants citoyens de la République française des cinq départements français formés à partir de l'entité géo-historique normande vieille de près de 11 siècles, est UN COMBAT LEGITIME...
Comme les Guadeloupéens, je me sens français, mais... à quoi bon nous dire égaux dans la fraternité universelle française et être ici traités comme des PLOUCS ou comme BANLIEUSARDS de l'EMPIRE PARISIEN, ce qu'est devenu la diversité française APRES 200 ANS d'Egalité universelle et formelle...
Les Normands, Bretons, Basques, Corses, Auvergnats, Savoyards, Picards, Flamands, Berrichons, Catalans, Occitans, Provençaux... etc sont devenus des Français...
Mais l'égalité réelle pratiquée par la République est à géométrie variable si on est un homme ou une femme, un plouc de la campagne ou un habitant d'une grande ville, un ouvrier ou un bourgeois, un PROVINCIAL ou un PARISIEN...
Michel ROCARD disait en 1966 après la fin de la Guerre d'Algérie qu'il fallait "décoloniser la province"...
NOUS CROYONS QUE CELA RESTE ENCORE à FAIRE...
Philippe CLERIS p/o le Collectif « Bienvenue en Normandie »,
Hudimesnil, le 21 février 2009